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   Temps de lecture :  4 minutes

Retour au Japon féodal : entre tradition et vengeance

Cinq ans après Ghost of Tsushima, Sucker Punch remet les pieds sur le tatami avec Ghost of Yotei.
Et autant le dire tout de suite : ce n’est pas un simple recyclage pour fans nostalgiques.
C’est un nouveau chapitre — différent, plus sombre, plus viscéral — qui nous plonge dans le Japon du début de l’ère Edo, là où la poudre à canon commence à gronder, mais où les lames parlent encore plus fort.

Cette fois, fini Jin Sakai et ses dilemmes de samouraï torturé : place à Atsu, une héroïne inédite, aussi tranchante qu’un katana poli au clair de lune.
Son histoire ? Une tragédie de vengeance pure et simple.
Sa famille massacrée, sa maison brûlée, son corps empalé sous un ginkgo en feu.
Seize ans plus tard, elle revient du continent avec un seul objectif : éliminer les Six de Yotei, ces samouraïs du clan Saito et leur seigneur, responsables de son malheur.

C’est classique, oui. Mais exécuté avec une intensité et une élégance que seuls les Japonais — ou ceux qui les imitent avec respect — peuvent livrer.

Une vengeance au parfum de légende

Ghost of Yotei s’ouvre comme une parabole, presque mythologique.
Atsu n’est pas une super-héroïne : c’est une survivante, une âme brisée qui devient Onryo, un spectre de vengeance.
Et cette transformation, Sucker Punch la raconte avec un art visuel et narratif bluffant.

L’écriture, sans révolutionner la formule, trouve un ton plus mature que celui de Tsushima.
Les dialogues sont plus sobres, le rythme mieux maîtrisé, et les flashbacks, nombreux mais parfaitement dosés, tissent une histoire qui prend son temps, sans jamais sombrer dans le mélo.
Le studio assume son héritage cinématographique — Kurosawa plane toujours sur les collines d’Ezo —, et chaque duel pourrait être figé en plan fixe dans une estampe.

Le Japon d’Ezo : un monde ouvert... qui respire (parfois trop)

Bienvenue sur l’île d’Ezo, connue aujourd’hui sous le nom d’Hokkaido.
Une région glaciale, sauvage et majestueuse, où les feuilles de ginkgo volent au vent comme des confettis de mort.

Techniquement, c’est superbe. Artistiquement, c’est prodigieux.
Le soleil se lève sur les rizières, la brume caresse les montagnes, les fleurs réagissent à la brise — c’est une claque visuelle.
Mais soyons honnêtes : Sucker Punch a aussi repris sa vieille formule monde ouvert, avec ses bons et ses moins bons côtés.

Les quêtes secondaires ? Aussi inspirantes qu’une brochure touristique du Japon féodal.
Les PNJ ? Toujours prêts à vous raconter leur vie avant de disparaître dans l’oubli.
Mais la magie, elle, reste intacte : le plaisir de se balader, de gravir les montagnes, d’admirer les ciels d’encre et les temples perdus dans la neige.
C’est un monde où on s’arrête juste pour écouter le vent.

Le katana dans la main, le timing dans l’âme

Côté gameplay, Ghost of Yotei ne cherche pas à réinventer la poudre (ni la mèche).
Mais il améliore tout ce que Tsushima faisait bien — et corrige ce qu’il faisait mal.

Les combats au corps à corps sont nerveux, précis et exigeants.
Le timing est crucial : parade, esquive, contre, désarmement — tout se joue à la demi-seconde.
C’est une danse macabre où chaque coup raté coûte cher et chaque victoire a le goût du sang et du mérite.

La grande nouveauté, c’est la variété des armes.
Katana, yari, kusarigama, sabres jumeaux : chaque outil a ses avantages et ses faiblesses, et on jongle entre eux comme un chef d’orchestre fou.
Ce système façon “pierre-feuille-ciseaux” donne du relief aux affrontements, surtout dans les duels, véritables morceaux de bravoure visuelle et sonore.

Le verrouillage de cible ? Oui, il existe. Non, il ne marche pas bien.
Une idée bienvenue mais mal réglée, qui te fera maudire la caméra plus souvent qu’un samouraï ivre maudit son seigneur.

Une beauté à pleurer (presque littéralement)

S’il y a bien un domaine où Ghost of Yotei explose tout, c’est sur l’esthétique.
Le jeu est une peinture vivante, une fresque mouvante où chaque plan semble avoir été validé par un moine zen sous LSD.

Les modes graphiques offrent de quoi satisfaire tout le monde :

  • Le mode performance, fluide comme une lame bien huilée.

  • Le mode fidélité, où chaque brin d’herbe est prêt à postuler chez Pixar.

  • Et le combo parfait : 60 fps, textures à tomber, et reflets dans les flaques qui feraient pleurer les fans de ray tracing.

Les visages restent parfois figés comme des masques Noh, mais le reste du jeu est d’une élégance rare.
Et la bande originale ? Une merveille.
Du shamisen, des percussions, des chœurs — Sakimoto aurait applaudi.
Chaque duel, chaque marche dans la neige, chaque silence trouve sa résonance musicale.
C’est du cinéma.

Progression, équipements et mini-jeux : entre rigueur et overdose

Atsu progresse selon un système simple mais efficace : compétences de combat, infiltration, exploration.
On monte en puissance sans jamais se perdre dans des menus denses comme un manuel d’alchimie.

Les armures offrent des bonus légers, les masques et couvre-chefs permettent de frimer devant les statues d’autel, et les armes se débloquent naturellement, au rythme de l’histoire.
Pas de grind abusif : la progression reste fluide et agréable.

Mais Sucker Punch, fidèle à ses travers, a eu la main lourde sur les activités annexes.
Caresser les loups ? Adorable, mais inutile.
Faire cuire des champignons avec la DualSense ? On aurait pu s’en passer.
Bref, l’open world de Yotei est aussi magnifique que saturé.

Une histoire simple, mais pleine d’âme

Ne nous mentons pas : on connaît la fin avant la moitié du jeu.
Mais le voyage, lui, est ce qui compte.
Atsu incarne la tragédie du Japon féodal : la honte, la loyauté, la vengeance, la solitude.
Et malgré les clichés, son parcours bouleverse.
On sent chaque cicatrice, chaque souffle de colère contenue, chaque pas vers une rédemption impossible.

Le jeu, par moments, ralentit juste pour te laisser observer une tombe sous la neige.
Et c’est dans ces silences que Ghost of Yotei devient grand.

Technique et finition : du solide made in Sony

Fluidité exemplaire, direction artistique inspirée, optimisation remarquable — c’est du Sucker Punch dans toute sa maîtrise.
Quelques bugs mineurs, une caméra capricieuse, et une IA qui parfois a du mal à comprendre le concept de “survivre”.
Mais globalement, c’est solide comme une armure d’ébène.

La durée de vie tourne autour de 40 à 50 heures, plus si vous visez le 100 %.
Et autant le dire : oui, vous allez vouloir tout faire, ne serait-ce que pour profiter du plaisir coupable de décapiter un samouraï sous la pluie.

Le mot de la fin : la beauté du geste

Ghost of Yotei n’est pas un jeu qui cherche à te choquer ou à tout révolutionner.
C’est un jeu qui assume son classicisme, et qui le transcende par la sincérité de sa mise en scène, son héroïne magnétique et sa direction artistique divine.

Sucker Punch n’a pas voulu réinventer la roue : ils l’ont polie, affûtée, et ils en ont fait une arme.

Et quand le générique est tombé, je l’avoue : j’ai eu un petit pincement au cœur.
Pas seulement parce que j’ai platiné le jeu — oui, tous les trophées, même celui où il faut combattre le samouraï ultime,
mais parce qu’après avoir suivi Atsu jusqu’à la dernière goutte de vengeance,
j’ai eu du mal à désinstaller le jeu.
Rarement un monde virtuel m’a semblé aussi vivant, et une héroïne aussi humaine dans sa rage et sa douleur.

Fiche technique

  • Titre : Ghost of Yotei

  • Développeur : Sucker Punch Productions

  • Éditeur : Sony Interactive Entertainment

  • Genre : Action-aventure / Monde ouvert

  • Plateformes : PS5

  • Durée de vie : 40-50 heures

  • Mode : Solo

NOTRE AVIS

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Ghost of Yotei n’est pas un jeu qui cherche à te choquer ou à tout révolutionner. C’est un jeu qui assume son classicisme, et qui le transcende par la sincérité de sa mise en scène, son héroïne magnétique et sa direction artistique divine. Sucker Punch n’a pas voulu réinventer la roue : ils l’ont polie, affûtée, et ils en ont fait une arme. Et quand le générique est tombé, je l’avoue : j’ai eu un petit pincement au cœur. Pas seulement parce que j’ai platiné le jeu, mais parce qu’après avoir suivi Atsu jusqu’à la dernière goutte de vengeance, j’ai eu du mal à désinstaller le jeu. Rarement un monde virtuel m’a semblé aussi vivant, et une héroïne aussi humaine dans sa rage et sa douleur.

Yakudark

BONS POINTS

  • Une direction artistique à tomber
  • Des combats nerveux, exigeants, jouissifs
  • Une héroïne marquante et un scénario émouvant
  • Bande-son sublime
  • Un Japon féodal recréé avec passion

MAUVAIS POINTS

  • Caméra parfois aussi capricieuse qu’un samouraï saoul
  • Système de verrouillage à revoir

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