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un livre réalisé DE CONCERT AVEC taro yoko

En 2018, Third Éditions publiait L’Œuvre étrange de Taro Yoko écrit par Nicolas Turcev. Ouvrage ayant depuis rencontré un succès important, il s’est imposé comme une référence pour tous ceux ayant découvert le singulier réalisateur de NieR: Automata sur le tard. La plus grande force de ce livre est qu’il a été réalisé avec le soutien de Taro Yoko, qui a pour l’occasion répondu aux questions de Nicolas Turcev, et accepté d’écrire lui aussi, le temps d’une préface ponctuée de l’humour cynique dont il a le secret.


Outre le versan making‑of, L’Œuvre étrange de Taro Yoko  propose, comme la quasi-totalité des ouvrages de Third Éditions, de revenir sur la diégèse des jeux abordés, l’occasion pour ceux qui n’ont jamais touché aux Drakengard, par exemple, de découvrir leur histoire, et pour ceux qui ont déjà parcouru les jeux du réalisateur d’en apprendre davantage grâce à une analyse pointue de l’auteur. Mise en exergue de thèmes importants, points communs entre les titres, anecdotes de développement… La ludographie de Taro Yoko n’aura plus aucun secret pour vous.

pas une simple réimpression...

Comme ce fut le cas pour Dark Souls. Par-delà la mort – Volume 1 (par le même éditeur) l’année dernière, cette nouvelle édition de L’Œuvre étrange de Taro Yoko est nommée « Édition Luxe ». Cette dénomination est l’occasion pour l’éditeur d’offrir une seconde jeunesse à ses ouvrages, par le biais de modifications exclusivement esthétiques. En effet, jusqu’ici doté d’une couverture souple, L’Œuvre étrange de Taro Yoko possède dorénavant une couverture rigide et un papier plus grammé, en adéquation avec le reste de la collection « Sagas » de l’éditeur.


Pour ceux qui possédaient déjà le livre, c’est différences sont les seules notables ; Third Éditions ayant décidé de ne pas mettre à jour le contenu de l’ouvrage afin de ne pas pénaliser les premiers acheteurs.


Le livre est disponible sur le site de l’éditeur dès le 22 avril pour 24,90 €, sa sortie en librairie est prévue pour la semaine qui suit, le 29. Pile à temps pour la sortie de NieR Replicant ver.1.22474487139 !

Extrait

Pendant les années 2000, la tendance est à la consolidation et à la centralisation dans le secteur du jeu vidéo japonais. En l’espace de trois ans, de 2003 à 2005, trois des plus gros conglomérats mondiaux voient le jour: Square Enix (puis Square Enix Holdings Co.), né de la fusion de Square Co. et Enix ; SEGA Sammy Holdings, résultat de la prise de contrôle concertée du fabricant de pachislot et pachinko1
Sammy sur le développeur et éditeur SEGA; et Namco Bandai Holdings (plus tard renommée Bandai
Namco Holdings), entité créée lors du rapprochement entre Namco et Bandai Co., deux
poids lourds du divertissement. Cette réorganisation massive prétend alors répondre à un
double problème, à la fois domestique et global.

Sur le plan local, les industries technologiques japonaises sortent affaiblies de la Décennie
perdue et de la spirale déflationniste qui fait suite à l’explosion de la bulle spéculative
japonaise, coup d’arrêt du miracle économique nippon des Trente Glorieuses 2 . Combinée
à des stratégies d’entreprise parfois maladroites, la mauvaise conjoncture économique
empêche ces grands acteurs du jeu vidéo de stabiliser leurs profits, trop soumis aux
vents contraires. Les nombreuses fusions viennent ainsi pallier un besoin structurel de
consolidation induit par un climat dangereux. SEGA, de l’aveu du PDG de Sammy Hajime
Satomi 3, se trouvait en effet dans le rouge depuis au moins dix ans au jour de la fusion
en 2004, notamment à cause du manque de solidification et d’uniformité dans l’organigramme de la société.

Pareillement, Square a conjuré le mauvais sort jeté sur elle par le
bide au box-office de son premier film en images de synthèse, Final Fantasy : Les Créatures
de l’esprit, en s’associant à Enix. Pour l’éditeur qui privilégiait les productions en interne
et en assumait la plupart du temps tous les risques, la fusion lui permit de s’assurer plus
d’élasticité afin d’absorber ce type de choc. En plus du marasme économique, le secteur
du jeu vidéo nippon doit également faire face à un dilemme démographique : l’extraordinaire vieillissement de la population. Le phénomène est brutal. En l’espace d’une vingtaine d’années, de la fin des années 1980 jusqu’au début du nouveau millénaire, les personnes âgées de

soixante-cinq ans ou plus grimpent d’un dixième à plus du quart de la population totale.
Selon l’OCDE (l’Organisation de coopération et de développement économiques), le taux
de natalité de 1,8 enfant par femme en 1980 plonge à 1,3 en 1999 et commence tout juste
à se redresser aujourd’hui. La part des jeunes de quinze ans et moins chute de huit points
entre 1983, date du lancement de la Nes au Japon, et l’an 2000, pour venir s’écraser à
14,6 % de la population. Établi à 12,9 % en 2013, ce taux reste depuis des années le plus
faible de l’OCDE. Les adolescents, cibles fétiches des communicants du jeu vidéo, surtout
au Japon où l’industrie s’est bâtie sur la présence de la console au sein de la cellule
familiale, se font rares. Dans le communiqué conjoint qui faisait suite à l’annonce de leur
fusion, Bandai et Namco notaient d’ailleurs l’impact «de la baisse du nombre d’enfants »
sur leurs activités respectives. D’où, en partie, le besoin d’acquérir plus de puissance de
frappe pour s’attirer les faveurs d’une audience de plus en plus réduite.
Sur le plan global, l’émergence de ces petits empires du jeu vidéo amorce la préparation des hostilités avec la concurrence internationale. Si ces holdings
japonaises sont
évidemment en concurrence entre elles, elles le sont doublement avec les majors montantes
occidentales qui menacent d’envahir leur pré carré du jeu sur console. Yôichi Wada, à
l’époque nommé président de Square Enix, ne s’y trompait pas : « Il s’agit d’une fusion
offensive, afin de survivre » avait-il déclaré en 2002. Le premier élément sur la liste de
la contre-offensive, commun à toutes ces nouvelles entités, est la mutualisation des coûts
de production. En nette augmentation, les budgets de titres AAA ou de superproductions,
même ajustés à l’inflation, n’ont pas cessé d’augmenter à mesure que les équipes mobilisées se sont étoffées, atteignant, voire dépassant parfois l’ampleur des écuries hollywoodiennes. Le coût de la main-d’œuvre devient effectivement difficilement réductible, à cause
notamment des postes à pourvoir liés au perfectionnement de la 3D (Motion-Designer, CG
Designer, Shader Artist). Ce qui pousse fatalement les acteurs du jeu vidéo à regrouper
et créer des synergies avec leurs talents respectifs afin d’économiser quelques précieux
deniers. On retrouve cet esprit de symbiose dans les nouvelles complémentarités stratégiques qui émergent à la suite de ces fusions. Profitant des droits acquis sur une flopée de
personnages connus de l’animation japonaise, Bandai peut par exemple insérer dans les
jeux de Namco quelques licences fortes (Naruto, Digimon…) du catalogue maison et ainsi
conforter sa sphère d’influence. À travers ce type de partenariats, ces nouveaux grands
groupes du divertissement cherchent ainsi à occuper le terrain avec leurs marques phares,
au moyen de tous les canaux possibles et plus uniquement celui du jeu vidéo. Yôichi Wada
avait baptisé cette tactique le « business-model du contenu polymorphique ». «En l’état, il
est très compliqué de gagner le jackpot. Donc, lorsque c’est le cas, il faut en tirer le plus de
jus possible » expliqua-t-il en 2008 pour justifier sa théorie.
Avec la naissance de ces conglomérats, les éditeurs nippons se trouvent également en
position de nourrir et de structurer autour d’eux le tissu productif du pays, voire au-delà.
Enix, qui avait déjà pour tradition de déléguer la conception à un petit pool de studios
fidèles (tri-Ace, Quintet, ChunSoft…) amplifie le mouvement après la fusion avec Square.
Pléthore de spin-off de Dragon Quest ou Final Fantasy, leurs deux licences phares, mais
aussi d’autres projets inédits sont confiés à des studios spécialisés dont les commandes
pullulent de plus en plus, alimentées par la forte demande de sous-traitance des grands
éditeurs. Trois d’entre eux nous intéressent: Cavia, Access Games et PlatinumGames.
Comme c’est le cas pour beaucoup de leurs homologues, leur histoire et celle de la conception des Drakengard et des NieR sont inextricablement liées à la configuration de l’industrie
japonaise et aux soubresauts de ses leaders

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