Les scénarios de Sea of Stars sont, pour dire les choses franchement, parmi les plus sublimes jamais vus dans un JRPG classique. Le pixel art magistral de Sabotage Studio établira un nouveau standard pour le genre, volant la vedette.
Cependant, au-delà de Zale et Valère, c’est l’univers extraordinaire de Sea of Stars qui prend véritablement la vedette. Avec une perspective isométrique habilement mise en œuvre et ingénieusement exploitée, même dans les énigmes environnementales (qui bien que simples, s’avèrent efficaces), les divers lieux imaginés par Sabotage Studio vous laissent sans voix de par leur variété et leur qualité. Des falaises majestueuses baignées de cascades aux cimetières ténébreux, en passant par des marécages abritant des champignons changeants de teinte et de forme selon les cycles du jour et de la nuit, l’univers qui s’offre aux protagonistes réussit toujours à surprendre et à captiver l’attention des joueurs. Le pixel art de Sea of Stars s’inscrira dans l’histoire comme l’un des sommets du genre, témoignant d’un goût et d’une maîtrise des textures et des couleurs indiscutables.
Au fil des heures, le groupe se dote d’objets qui enrichissent l’exploration, lui conférant une dimension plus complexe et stratégique. Du Bracelet Mistral, qui génère une bourrasque de vent assez puissante pour repousser les blocs et autres éléments du décor, au Graplou, une sorte de grappin permettant de traverser horizontalement les obstacles, ces nouveaux ajouts comblent les lacunes des environnements. Zale et Valère apprennent également à manipuler le temps, modifiant la période de la journée grâce à leurs pouvoirs. Bien que cette capacité soit sous-exploitée dans la première partie de l’aventure, elle devient de plus en plus centrale vers la fin, offrant un spectacle visuel extraordinaire grâce à une gestion du changement d’éclairage en temps réel, et allant jusqu’à influencer la musique de manière dynamique. Cela met en lumière le soin minutieux apporté à la direction artistique, mariant habilement la conception visuelle des décors avec la musique, orchestrée par les talentueux Yasunori Mitsuda (Chrono Trigger, Xenogears) et Eric W. Brown, alias Rainbowdragoneyes, tous deux au sommet de leur art.
Le tout est inséré dans un monde ouvert qui, fidèle à la tradition, s’ouvre progressivement à mesure que de nouvelles capacités de voyage sont acquises. À la fin de l’aventure, une aide pratique permet de repérer les zones où des actions restent à entreprendre sur la carte. Il vaut souvent la peine de s’adonner à l’exploration et aux quêtes secondaires pour dénicher des secrets, liés à l’intrigue de Sea of Stars, et obtenir des équipements et des compétences utiles, voire favoriser le développement de colonies, garantissant ainsi des commerces, des spots de pêche et des tavernes pour jouer aux Wheels.
En parlant de cela, il convient de souligner l’existence d’un véritable jeu dans le jeu : Wheels. Il s’agit d’un passe-temps mêlant chance et stratégie, où deux joueurs utilisent chacun deux héros (soldat, archer, magicien, chacun avec ses propres caractéristiques) pour réduire la santé de l’adversaire à zéro. Chaque tour offre trois tours disponibles dans une machine à sous, garantissant diverses améliorations. En fonction des résultats, vous pourrez renforcer les défenses ou les attaquants, tout en lançant des offensives contre l’adversaire, en tenant compte de son niveau de protection. Bien que jouer aux roues soit facultatif, c’est une pause plaisante dans les aventures de Zale, Valère et compagnie, tout comme la pêche d’ailleurs.
La pêche, par ailleurs, est liée à un élément essentiel de Sea of Stars : la cuisine. Garl, un chef guerrier autoproclamé, nourrit l’équipe avec ses délices. Pour les préparer, il suffit de vous rendre à l’un des feux de camp disséminés dans le jeu ou de dresser votre campement entre deux lieux explorables. Grâce aux ingrédients collectés au fil de l’aventure (dont ceux issus de la pêche), vous pourrez concocter jusqu’à dix plats à emporter avec vous. Nous retrouvons ici l’une des grandes innovations de Sabotage Studio : au lieu de l’inventaire JRPG traditionnel, qui déborde souvent d’objets inutilisés jusqu’à la bataille finale, nous avons un sac à dos à la capacité limitée, revêtant une importance stratégique majeure. Le choix des plats à emporter s’avérera crucial pour traverser en toute sécurité un monde infesté de monstres impitoyables qui n’acceptent aucune imprudence, rompant ainsi avec la tradition de chair à canon souvent rencontrée dans les affrontements aléatoires des jeux vidéo des dernières décennies.
La philosophie de production qui guide Sea of Stars se résume en un seul impératif catégorique : "sculpter". Tel un jardinier scrutant un arbre pour sélectionner les branches à tailler, Sabotage Studio a entrepris une étude approfondie des JRPG du passé. Leur objectif : conserver les éléments les plus précieux et couper les parties obsolètes. Fini les rencontres aléatoires agaçantes, adieu l'inventaire encombrant regorgeant d'objets inutiles, et fini l'obsession du level grinding. À la place, nous découvrons des ajouts bienvenus axé sur le timing et capable de maintenir un haut niveau d'engagement du joueur, même lors des batailles contre les ennemis de base. C'est un élément à maîtriser judicieusement lors des affrontements épiques contre les boss. Le spectre de la répétitivité qui hante souvent les JRPG est largement exorcisé dans Sea of Stars. Cependant, deux protagonistes qui manquent de profondeur et un panel de compétences relativement limité affectent légèrement la qualité globale de l'expérience. Malgré cela, ces défauts n'entachent en rien l'essence ludique du jeu, qui se révèle magnifique tant sur le plan visuel que sonore, une expérience à vivre pleinement.
Yakudark